«La réforme de l’orthographe passe mal au Portugal»,
por Olivier Bonamici.
Rádio France Inter,
França, 8 de Março de 2012.
À Madame Audrey Pulvar, productrice de l’émission «Le 6/7» sur France Inter :
Sujet : l’orthographe du Portugais
Chère Madame,
Le 8 mars dernier, une amie française, qui connaît ma forte opposition et mon combat contre cet «Acordo Ortográfico da Língua Portuguesa de 1990», a attiré mon attention sur votre émission consacrée à l’orthographe du Portugais.
Je tiens d’abord à vous en remercier, ainsi qu’à Olivier Bonamici, car vous avez contribué à rendre visible une question qui reste très polémique au Portugal, et qui est ressentie par la majorité des Portugais comme une véritable violence, ce qui a d’ailleurs été très bien compris et exprimé dans votre émission. En conséquence et contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, « les jeux ne sont pas faits», et les citoyens portugais se mobilisent pour faire suspendre l’application de cet «Acordo», qui est en cours, comme vous l’avez dit, dans l’enseignement et dans l’administration, mais pas encore généralisée.
Je voudrais aussi apporter quelques précisions sur le sujet :
Ce véritable bouleversement de notre orthographe, que vous évoquiez si bien, ne correspond pas à une « réforme» de la langue portugaise, exigée par son évolution, comme celle de la langue française des années 90, d’ailleurs minime en comparaison. Il s’agit, en l’occurrence, d’un « accord » politique, totalement dénué de qualité et de nécessité linguistique, comme en témoignent les nombreux avis des spécialistes.
L’ « unification » de l’orthographe portugaise et brésilienne n’est pas nécessaire, elle est impossible, ce que cet «Acordo» d’ailleurs confirme, et elle serait inutile, en plus, car la différence grandissante entre les deux normes concerne surtout la prononciation, le vocabulaire et la syntaxe.
Depuis 1907, quand le Brésil a fait unilatéralement la première réforme de son orthographe, les tentatives de rapprochement entre les deux orthographes, qui ont traversé tout le siècle passé et se poursuivent maintenant, n’ont abouti à aucun accord définitif. Le dernier en date, celui de 1945, encore en vigueur au Portugal, n’a pas été respecté par le Brésil (qui a conservé son orthographe de 1943) essentiellement car il lui imposait de récupérer les consonnes « muettes» qu’il avait déjà laissé tomber.
C’est justement ces consonnes étymologiques dites «muettes», parce qu’on ne les prononce pas, que l’on veut maintenant nous retirer (et c’est l’aspect essentiel de cet «Acordo») en conséquence de l’option brésilienne déjà mentionnée. Or, le critère phonétique, invoqué comme justification, ne tient pas compte du fait que ces deux normes de la langue portugaise possèdent des systèmes vocaliques divergents et que ces consonnes-là ont une double fonction dans la norme portugaise : elles indiquent l’ouverture de la voyelle précédent la syllabe accentuée et marquent le lien de parenté entre les mots de la même famille. L’adoption de ce changement défigure notre langue, lui retire de l’intelligibilité, nous éloigne des autres langues européennes et, surtout, entraînera des changements phonétiques inévitables.
Cet «Acordo» concerne donc surtout l’orthographe du Portugal et de tous les pays ayant le Portugais comme langue officielle, Cabo Verde, Guiné, Angola, São Tomé e Príncipe, Moçambique, sans oublier Timor Leste, mais aussi d’autres régions et communautés où notre Histoire nous a conduits, comme Macau et Goa.
Pour terminer, un autre aspect non négligeable, et je ne parle que du Portugal : c’est l’immense effort d’alphabétisation réalisé dans les dernières décennies qui est ainsi mis en cause, car c’est un véritable chaos orthographique qui est en train de s’installer.
Je voudrais juste ajouter une petite correction à votre travail: avec cet accord, «húmido» ne perd pas le «h» initial au Portugal, bien qu’au Brésil on écrive «úmido».
Avant de vous quitter, je vous communique qu’une copie de ce message sera envoyée au mouvement citoyen que j’intègre et que j’appuie : « Iniciativa Legislativa de Cidadãos contra o Acordo Ortográfico» (http://www.ilcao.cedilha.net).
Je vous remercie d’avance de votre attention.
Avec l’expression de mes meilleurs sentiments,
Maria José Abranches Gonçalves dos Santos
Lagos, 11/03/2012